mercredi 27 juin 2012

Geôlière nîmoise.*

Illustration de René BOUSCHET (R&B).

Ma tant jolie geôlière, raide dingue de vous je suis, et vous le savez. Il n’est de jour et de soir où je n’espère vous, que vous ! 
A mon réveil de ce matin, point n’êtes venue. Eh bien, vous m’ouvrirez les verrous, demain, nous ne le savons que trop bien. Oh, vous de ma si douce attente !

Tous les jours, échevelé et livide au milieu des tempêtes... oh, pardon ! nu-pieds, pour vous mieux impressionner, moi, le prisonnier, moi qui ai une profonde aversion pour le sport, je ne cours que pour vous, vous si belle à mon cœur.

Ah, nous retirer de ce monde cruel qu’est la prison ! C’est votre monde, me dites-vous ? Je ne le vois que trop bien et en suis bien attristé pour tous deux !

Me permettrez-vous d’être votre Prince, vous emportant, vous, si belle dans le charme de votre livrée Bleu-France-Outre-mer, si tendre, gentille mâtonne ? Voyez : je nous rêve déjà !

Ah ! Nîmes. Et l’été à Nîmes, en prison. Et tomber en arrêt d’amour comme à vingt ans ! Que ne vous dois-je ? Et, mon Dieu, vous me gardez tant bien que je ne voudrais aucunement m’envoler loin de ces yeux, et vous porter préjudice aucun ! 
Mais, j’ai 67 ans d’un jour révolus… misère de misère !

J’avais mis mon adresse en tête, le sera-t-elle toujours en la vôtre si belle ? Et, comme j’espère tant de vous, gente dame, ma dame de coeur. 
Au début, à ma sortie que j’entrevois pour le 14 juillet, vous me rejoindrez par bals et flonflons. Nous valserons tant et tant que la tête nous tournera comme après quelque bon vieux vin de France, terre des Arts, des Armes et des Lois !

Ah, les lois ! Sachez que, tous les midis du monde, je vous attendrai sur la place de l’église de mon village, là-bas au val d’Alisiers, au Liredondais, guettant, avec Anne, ma sœur Anne, le poudroiement de la route. Je vous chercherai des yeux, et vous m’appellerez, je le sais. Vous le savez, n’est-il pas ? Puis me direz tout simplement, tout doucettement :

- C’est moi ! Et nous saurons que le bonheur est si simple ! Mon Dieu, que j’aime le bonheur ! Et que je vous aime déjà ! Oh, tendre, si tendre à mon cœur.

Je vous imagine… eh, me direz-vous la nuance ambre-doré de vos yeux ? J’aurais aimé les mirer à la lumière du jour, comme ces œufs que j’aime tant mais, en détention, nos couloirs sont si sombres ! Et puis, vous êtes si timide, si gardienne.
Oh, vous baissez encore les yeux ! Dieu, que vous êtes belle !

Madame, gardienne de mes jours et de mes nuits, il nous faudra bien mettre un nom sur nôtre rêve joli. Votre prénom, je le sais, lui irait à ravir. Me le direz-vous un jour ? J’ose l’imaginer : il est Amour, sans nul doute ! 

Savez-vous, Ma Dame et belle geôlière que vous m’allez bien au teint ? Je vous imagine déjà, à mon bras, passant à la sortie de l’Eglise de mon village, là bas au Val d’Alisiers sous les bâtons des mâtons de la Prison de Nîmes. 
   
Oh! de mon rêve, ma jolie !

Gilles, Matricule 22352 de la 110° Cie, l’Embastillé de Nîmes. An de grâce 2012, le 27 juin.

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