samedi 24 août 2013

Eu, la royale normande* !




Or donc, Rolando voulut son beau voyage en la ville d'EU, à la recherche de Christine. Mais aussi pour retrouver les lieux de sa jeunesse, ses amours d’antan, les copains oubliés, les amis, la Normandie, en somme. Et trouves-toi la voiture, et décides le Gilou plus que désargenté. Et,
-Hop, hop, hop ! On y va. Christine nous attend. J’avance l’argent. Tu rends quand tu peux. Allez !
-D’accord. Mardi 16 juillet. A trois heures du mat’.
Et nous voilà en partance pour la Normandie. Depuis le temps. A force de reporter, il fallut bien que l’on se transportât. Rolando avait hâte de rencontrer Christine qui, au téléphone lui donnait toujours des  « Mon cœur, mon chéri ! », « On t’attend », « Mais, non Rolando, tu n’es pas trop vieux ! ».

Un copain nous ayant prêté une Renault, faut dire que le réveil fut d’un sévère pour le petit père.
-On n’avait pas dit 4 heures, hein ?
-Ben non. 3 heures. Ne commence pas.
Rolando !... la gueule dans le coaltar (1). Mais, bon. Faut ce qu’il faut. Et, ce matin-là, il pensait qu’on avait décidé le départ à 4 heures.
 (1) le coaltar est un goudron issu de la distillation de la houille.
-Hop, hop, hop ! On y va. Le café est prêt.
Notre pépère national faisait une de ses gueules.
-On avait dit quatre heures !
-Ben, non. Allez. Tout y est ? Le coussin aussi ? Tes dents toutes neuves ?
-J’les prends pas. Elles chaussent mal et me font mal.

Le Vigan, la vallée de l’Arre, une petite côte jusqu’à Alzon, une deuxième montée à 808 mètres jusqu’au col de la Barrière, en jonction Causse-Cévennes. Puis Sauclière, la Blaquèrerie, une route mauvaise, un lieu de « croisement » de troupeaux de brebis menés par bergers montés sur quad.  
Puis, c’est le Camp militaire du Larzac, et la descente sur Millau pour éviter le péage du pont.
-Tu vois les lumières rouges dans le noir ? Le viaduc est plus haut que la tour Eiffel. Dire que c’est un anglais qui l’a conçu. Merde, alors !
Descente et traversée rapide de la ville endormie, longue grimpette pour récupérer l’Autoroute A75, et direction Clermont-Ferrand. Les kilomètres défilent… montée en altitude jusqu’à plus de 1200 mètres. Rolando ronfle en piquant un petit roupillon.

Vers 8 heures trente, petit coup de pompe. Arrêt sur une aire d’autoroute, un pain aux raisins, un café, un petit pipi, de l’eau froide sur le museau et hop !
-En voiture Simone ! Et c’est reparti pour un tour. Il faudra éviter Paris et Rouen, passer entre.
Jusqu’à Clermont-Ferrand, la A75 me paraît bien longue et n’en finit pas. Après, ce seront deux autoroutes payantes qui te réveillent, surtout la première, par son coût. 28 euros.
Il fait beau, la vie est belle, circulation peu dense ce 16 juillet, la climatisation ne marche décidément pas. Ce qui ravit la fourmi Rolando : on bouffera moins de gasoil. Même que si on pouvait se passer de payer l’autoroute.
-D’accord. Prenons nationales et départementales à 60km/heure de moyenne.

Nouvel arrêt vers 11 heures dans un bistrot pour chercher notre route et lancequiner quelque peu. Puis, on entre dans l’Eure, le pays de Rolando. Dreux, Evreux…
(Au fait, lancequiner vient du lancequenet, soldat allemand qui avait toujours sa lance à la main. Comme quand on pisse. Voili-voilà).
Puis, glissade molle vers la Seine. Le soleil se fait de plus en plus rude et chaud.

J’apprendrai, à ma grande désolation, une semaine plus tard que j’ai pris un PV, dans l’heure (dans l'Eure aussi ?), une prune pour une vitesse dépassée : 111km/h au lieu de 110. J’ai bien l’impression qu’on se moque des touristes, et qu’on nous prend pour des moutons, à nous manger la laine sur le dos. Et bien tondus.

Donc… donc, ce PV, je n’en avais pas connaissance encore, et donc, n’en parlons plus. 

Aux alentours de midi-trente, nous voici attablés dans un petit restau de l’Eure, près de la Seine, en confluent de l’Eure, ce me semble. Repas copieux et pas cher. Ensuite, on entre dans Rouen et prenons la route de Neuchâtel en Bray pour arriver à Eu vers 15 heures, après 12 heures de route.
Je ne vous raconte pas l’accueil de Christine, la joie, le pastis, le vin, les repas, les veillées, le chant, et le dormi dans une petite guitoune individuelle qui a ravi Rolando, surtout pour en sortir plusieurs fois dans la nuit pour arroser le gazon. Un poème que je ne vous raconte vraiment pas.

Je ne vous dépeindrai pas EU, toute de brique vêtue, les petites ruines de l’ancien château fort, le château royal de la ville et son parc, le tout rendu au Comte de Paris par je ne sais quel républicain royaliste. Serait-ce De Gaule tenant à se faire pardonner de n’avoir pas poussé ce ci-devant noble (4) sur le trône de France, toujours vacant ?  Une jolie ville que je n’ai pas eu le temps de déguster.
 (4) en France, les titres de noblesse demeurent proscrits depuis l’invention, tant regrettée par certains nostalgiques, de ce bon docteur Guillotin qui vous raccourcissait d’une tête le caquet des ci-devant nobles.
Ah, oui. Monsieur le comte a été trop bon en construisant en remerciement, une fontaine, d’un laid, mais d’un laid qu’on ne veut pas connaître l’architecte, et que même, elle ne coule plus.

Evidemment, comme toute petite ville, royale  je vous prie, qui se respecte, elle possède une belle église, toute de pierres pour marquer sa différence et sa magnificence en celle ville toute de briques vêtue, église extrêmement lumineuse avec sa chaire monumentale en bois.  
Aux temps anciens, toute la Normandie aura été placée sous la protection de Saint Michel par Robert 1er , 2ème Comte d’Eu, descendant de Raoul le Danois, dit Rollon et de son épouse Béatrix. Et cela nous rassure.

L’Eglise possède un orgue d'un buffet de 36 jeux  (dont quelque uns classés), une console de 3 claviers de 56 notes et 32 au pédalier. La transmission est mécanique et des éléments anciens de tuyauterie ont été conservés dans la trompette, le cornet (a), le nazard (b) , la fourniture (c)  et le bourdon (d) du GO (Grand-Orgue), et dans le cromorne (e) du positif (f).
Cet orgue a été construit par Louÿs Isoré en 1614. Un an avant que le Roi Soleil ne cane (de caner, mourir, ce qu’il a fait de mieux dans sa vie, mais pas assez tôt à mon goût parpaillot). L’instrument a été remis en état en 1841 par Cavaillé-Coll puis par Bossier en 1932 avec l’installation e d’une tribune et l’adjonction d’un récit. Plus près de nous, en 1977 il a été restauré par la Maison Haerpfer-Erman dans l’esprit des instruments classiques français. Un bel engin, quoi, qu’on aimerait bien posséder.

Pourquoi parler de cet orgue ? Eh, bien parce que j’ai assisté, ce dimanche 28 juillet, en l’église à un concert par          Domenico SEVERIN à l’orgue et César VELEV au violon.
Sonate en la majeur (violon-orgue)            de GEMINIANI Francesco.  Allegro, Largo, Allegro.
Allemande de la 2ème Partita. (Violon)     de BACH J.S.
Fantaisie en fa mineur (orgue)                   de MOZART W.A.
La Folia     (violon-orgue)                            de DEBUSSY Claude.
Romance (violon-orgue)                              de REGER Max.
Sonate pour violon et orgue                        de RAVANELLO Oreste.

Un concert où j’ai apprécié le mariage du violon et de l’orgue, moi qui n’aimais que l’orgue seul ou orgue et trompettes. Mais je dois avouer que le nom de Géminiani m’a perturbé quelque peu durant ce concert. Ce n’est pas Raphael, soit. Mais, serait-ce son frère Francesco ? Et, pourquoi pas ?

Vous m’excuserez mais, comment parler de musique moi qui n’aime que la chair. Alors, vous décrire la texture, la couleur, la saveur d’un jambon de pays, vous chanter sa masse, son poids, sa rondeur, son galbe, ma préférence pour une coupe en tranches épaisses lorsque le jambon n’est pas trop sec, qu’il est moelleux, en tranches plus fines lorsqu’il est bien sec, cela je sais dire et faire.

Tout d’abord, il faut enlever la couenne sans se trancher les doigts puis, vous voyez luire le lard. Et, pourquoi j’aime bien qu’il y ait beaucoup de lard ? Parce que le lard c’est ce qu’il y a de meilleur dans le cambadjou (le jambon, quoi !) et lorsqu’il paraît jaune il semblerait moins bon que le blanc quoique certains préfèrent que le lard soit jaune, mais encore, d’autres ne jurent que par la souplesse de la viande, d’autre par sa dureté et son parfum particulier, avec ces nuances moirées qui s’y reflètent tandis que la fleur blanche de sel apparait quand le jambon a suinté quelque peu. 
Pourquoi j’aime le cochon ? Parce que dans le cochon, tout est bon. Surtout le jambon cru !

Disons que le jambon, c’est comme l’orgue. Pas besoin d’être connaisseur pour aimer. Pas vrai ? Parce que… parce que, quand c’est bon, c’est bon. On en mangerait sans faim !
Mais, le meilleur dans la vie, avec un concert d’orgue et trompette, et encore meilleur sans pain, je vous prie, un jambon de cosanglier. Je vous le jure. Tu goûtes une fois ? You never forget ! 

Vous jamais oublier ! Sic ! C’est quand même une langue bizarre, l’anglais. Non ? Imagine…
-I love you : moi aimer toi. Rigolo, non ? Tu vois la poésie de la nana qui rigole ? 
-I want you : moi vouloir toi
-I want ham : moi vouloir jambon. Et ta sœur ! Et pourquoi pas sa cuisse ? Par contre,
-Give me your sister : donne-moi ta sœur est plus français dans l’expression. Quel progrès ! Messieurs les anglais, tirons-là les premiers ! 

Tirons-là, à ne pas confondre avec tirons la. Je m'explique: tirons-là signifie que nous ferions mieux d'en rester là. Mais, tirons la veut tout benoîtement vous faire comprendre que nous devrions le prendre. Qui çà ? Mais, ta soeur, cher confrère.

Puis, retour le mardi 30 juillet après avoir salué les amis et la famille de Rolando dans l’Eure.
(suite avec le radar normand).
Samedi 24 août de l’An de Grâce 2013. Des cévennes.

(a) le cornet : petit cor ou trompette courte.
(b) le nasard, rappelle la note à la quinte supérieure. Ex: le do3 appelle le sol3, soit 3 tons et 1/2. 
(d) le bourdon, ton de basse continue.
(e) cromorne nouvelle sorte de hautbois rappelant le son de la clarinette. 
(f) positif : dans certains grands orgues d'église (c'est le cas), petit orgue dont le buffet est placé devant le G.O. L'organiste est assis entre les deux et regarde vers le choeur.

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