mardi 13 août 2013

Socrate piégé*. - 6


Mort de Socrate (Giambenitto Cignaroli  (1706 - 1770)
Socrate se défend seul et mal contre trois notables, sans avocat, sans témoin, ne connaît pas le système judiciaire et se comporte en tribun dans le tribunal. Il évalue mal le péril : l’acquittement d’une des parties mène inéluctablement l’autre à la mort. 

Une dialectique diabolique. Nous savons que Mélètos n’est que l’instrument d’une vengeance des puissants d’Athènes. Les trois accusateurs ont proposé un verdict de mort, sûrs de leur coup car qui accuse faussement risque la peine qu’il réclame. Sans garanties de la Justice, ils auraient proposé une peine moindre.

Or, Socrate confiant en la justice athénienne n’a pas saisi que les juges avaient partie liée avec l’accusation. Les dés étaient pipés, le tribunal corrompu, le traquenard tendu. Socrate nouera lui-même le lacet autour de son cou en ne proposant pas une peine alternative conséquente, telle son bannissement de la ville. 

Socrate parle aux athéniens pour la dernière fois, la légalité était sauve. Il se défend seul, mal, sans produire de témoins et confond tribune et tribunal. Il dit n’être pas au fait du langage judiciaire, et qu’à 70 ans il n’a jamais eu maille à partir avec la justice, qu’il ne dira que la vérité, et qu’il n’essayera pas d’attendrir ses juges. Rien que la vérité.

Le tribunal n’est pas une tribune ou il faut emporter l’adhésion d’un public parfois déjà acquis à ses thèses. Ici, il faut convaincre des juges qui sont peu ou mal disposés. Il faut analyser le risque, peser les arguments, trouver les mots, avoir des témoins… pour éviter le pire.
Nous avons 500 juges remontés contre cette « grande gueule ». Combien de ces notables a-t-il, avec ses élèves, convaincus qu’ils étaient moins sages que lui ? Plus de 251. Un avocat était tout indiqué car, si dans une tribune on peut perdre la face, au tribunal, on joue sa vie. 

Dans un tribunal, la vérité n’est pas requise de l’inculpé. Seuls, Mélètos et ses acolytes la devaient. Il fallait convaincre Mélètos de mensonge. Socrate ne se servira que de la seule dialectique alors que les témoignages se révélaient indispensables.
De même, il confondra argumentation, réfutation et plaidoirie. Il devait citer ses accusateurs à la barre pour les confondre. Or, dans cette affaire, à part un début d’interrogatoire de Mélètos qui s’en sort par une pirouette, Socrate ne persistera pas. 

Socrate se met « hors-la-loi » en refusant de proposer une sentence comme le veut la justice athénienne. En cela, il contrevient aux usages judiciaires sur ce point fondamental de procédure et, dans le même mouvement, il veut prouver son innocence par une plaidoirie, ce qui est contradictoire… 
Déclarer qu’il ne proposera pas de peine car il est innocent, soit. Mais alors, pourquoi tenter de justifier cette innocence en plaidant ? Ainsi, Socrate s'accorde donc avec Mélètos pour que la peine requise soit la mort. Etrange.
Il lui suffisait de laisser Mélètos prouver ses accusations pour convaincre ses juges, mais Socrate ne tiendra qu’un long discours. 

En répétant  à l’envie que la mort ne lui fait pas peur, Socrate joue un jeu dangereux. Il provoque ses juges en déclarant que, s’il était relaxé avec une condition qui lui interdirait de philosopher, de dire son fait et morigéner ses semblables, il ne s’y plierait pas. Dans cet état d'esprit de Socrate, on ne voit pas pourquoi le tribunal se gênerait  à voter la mort.
Socrate qui ne prouve pas la machination a permis aux juges de se laver les mains de sa propre condamnation à mort. 

Socrate n’a pas vu le piège tendu dans lequel il se prend et qui ne permet aucune échappatoire. A un moment de sa plaidoirie, on pouvait penser qu’il allait se sortir du traquenard judiciaire.
Or, la machinerie diabolique était bloquée par les Juges, la procédure, Mélètos, ses comparses et Socrate lui-même. Il ne pouvait se sauver. Ni l’être.
Le piège du tribunal consistait à laisser croire à Socrate qu’il pouvait prouver son innocence, ce qui aurait mené à la mort Mélètos et ses complices. Et cette solution était une impossibilité pour cette justice de classe où, Socrate, le gueux était condamné dès son entrée au Tribunal. 

Un simple avertissement aurait dû suffire. En effet, il reconnaît que s’il avait mal fait, ce n’aurait pu être que par inadvertance, sans penser à mal et qu’un simple avertissement suffisait comme peine.
Ce point important qu’apporte Socrate dans son argumentaire aurait dû lui faire comprendre que si on avait demandé la mort, c’était pour l’appliquer. Mais lui, jusqu’au bout, fera confiance à ses juges… des juges bien trop nombreux pour être honnêtes.

Je pense qu’à bien y regarder, à 70 ans passés, Socrate voulait sortir par la porte glorieuse de la mort. Ou, s’il n’a pas vu le piège, alors il n’était pas bien sage, Monsieur l’oracle de Delphes. 

Seule la mort était le verdict. Socrate n’a pas compris les enjeux mortels pour lui, le moralisateur, le gêneur. Le droit athénien obligeait à la seule peine demandée, celle de Mélètos et de ses complices : la mort. Pour la partie condamnée. 
Socrate aurait-il pu être reconnu non-coupable? Trop confiant en la Justice d’Athènes, il s’en était persuadé. Mais nous pouvons affirmer que Socrate devait-être condamné à mort, quelque peine alternative qu’il eut proposée. 

Disons, si vous le permettez, à la grande gueule qui se croit plus sage que les autres et qui fait la morale aux autres, en pensant être utile à la cité, celui-là ferait parfois bien mieux de la fermer, surtout s'il a la tête de taureau. Mais, que Socrate était fort laid !
Et puis, croire que l'on peut culpabiliser un juge en lui disant que, s’il vous condamne, il se punira lui-même c’est s’illusionner. Et penser pouvoir attendrir 500 juges, c’est comme tenter d'arrêter une foule en furie, elle qui fonctionne sur des mécanismes inhumains, immoraux. 

Comme me le signale fort justement René :
-Sans ta grande gueule, avec quoi nourrirais-tu notre gentil petit blog ? Avec des fleurs des quatre saisons pour ces dames, des endives pour Rolando, des concombres pour toi… Soyons toujours de mauvaise foi, mon Gilou, ça fait du bien par ou ça passe !

 -Bon, ben ! Excuse-moi Hollande, je te parlerai dans un prochain numéro de tes radars routiers qui donnent de fausses indications de 5 à 10% (parfois 4,001 à 10,999%) mais qui sont contrôlés. Et, malgré ce, tous donnent une indication aléatoire différente les uns des autres. Condamnés à une amende sur un faux témoignage, comme Socrate. 
Parce que, Hollande, tes radars routiers sont de faux témoins. Et tu le sais. Tu es donc complice et c’est vilain, mon garçon !

-C’est exact, Gilou. Paraît que les radars corses et bretons sont plus généreux que les languedociens qui le sont moins. C’est l’égalité républicaine. Tous les contrôleurs assermentés de radars, tous les deux ans, se fendent la poire du genre… 
-Et celui-là, tu l’as contrôlé ? Non ? 
-Et pourquoi faire puisqu’il est faux ? 
-Mets-y quand même l’étiquette ! C’est nous la légalité. Merde, alors !

Quand je pense que nos pandores contrôlent sur les marchés toutes les balances au dixième de gramme près. « Et coincez-moi bien la bulle, Monsieur le boucher. Autrement, je verbalise ». Amusant, non ? 

Adieu Socrate je t’aimais bien, Adieu Socrate, je t’aimais bien tu sais. 
Quand la Justice passe, on trépasse. Injustement, et comme toujours. 

Le Vigan et Sumène le 13août 2013 en prévision de l'élévation de Notre Dame, la Marie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire