vendredi 3 janvier 2014

Gilou parle trop* !


- Je trouve, mon cher que tu parles beaucoup !
- Ah ? Toi aussi !...
- On te l’a déjà dit, hein ?
- Oui. Mais venant de toi !
 
Mon pote Markus m’étonnait par cette réflexion en forme de n'importe quoi, sachant que l’on ne se voit que trop rarement. Nos rencontres qui marquent notre vie, en font le tempo, donnent de la saveur au temps qui passe.

Alors, pourquoi dire que je parle trop alors que je me satisfais du strict minimum comme dans tout dialogue entre deux amis ? Pourquoi ?

Attention, sachez qu'on se téléphone peu, en vieux de la vieille, ceux des lettres, des cartes postales, satisfaits par cette communication plus que restreinte. Alors, dire que je parle trop...
D’un autre côté, c’est mieux ainsi car, quand on se rencontre on a accumulé beaucoup de choses à  partager et plaisir de se voir. Sans parole, ou si peu !

Hé bien oui. Figurez-vous que, lorsqu’on se voit, on se parle peu, sans parole perdue, si j'ose dire et qui devient l'habitude des vieux couples, en partage de la vie.
Alors, on se dit peu de choses comme pour ne pas perdre deux fois le temps qui nous manque déjà. Sans doute pour n'être pas contraints à revivre deux fois les mêmes évènements. Et c'est suffisant.

- Oui, tu parles beaucoup trop, Gilles !
- Beaucoup ou beaucoup trop, Marc ?
- Attends : ne joue pas sur les mots !
- Ah, non. C’est le trop qui m’interpelle. Parce que parler beaucoup est une chose mais, lorsque tu ajoutes le trop, c’est comme, par exemple dire que la source coule, ou qu’elle coule beaucoup et pour finir dire qu’elle coule trop ou mieux encore, beaucoup trop. Moi, j’y vois des différences essentielles. Ah, tu saisis la nuance ?
- Si tu le dis. Mais en quoi…
- Mais non, c’est toi qui le veux. Oui. Et en quoi c’est gênant  de parler beaucoup ou trop ?

- Par exemple, dans ton blog quand tu présentes ta mère. Ah !
- Et, qu’est-ce qu’elle a ma mère ?
- Tu dis qu’elle n’aime pas les fleurs et qu’elle te le fait savoir grossièrement !
- Mais, non. Elle est nature. C’est ainsi.
- Penses-tu à tes gosses, à tes parents ? Ils doivent avoir honte !
- Honnêtement, si c’était le cas, je leur dirais qu’ils ne comprennent rien à mon discours.
- Oui, mais, ce discours, comme tu dis, on pourrait s’en servir contre toi !
- Entre nous, je n’en ai rien à cirer de ce qu’on peut  dire ou penser de moi.
- Non, mais c’est pour ta mère.
- Mais, Markus, ma mère, je la fais revivre dans mes textes lorsque je cite ses dires. Je crois bien qu'elle aurait adoré. Oui.

- Et puis, quand je parle de ma mère, sais-tu que je l’appelais la vieille ?
- Pardon ?
- Ben, oui, ma mère je l’appelais la vieille, ma vieille si tu préfères.
- Ce n’est pas possible. Et, elle, qu’est-ce qu’elle en disait ?
- Ce qu’elle en disait ? Là, mon vieux, je te trouve bien trop indiscret. Si je te le disais, tu risquerais de me dire que je parle beaucoup trop, et trop de ma mère, non ?

-Ah ! Et puis, Marcus, je ne parle pas trop, mais j’écris trop. Pour ça, oui. Et ce n’est pas la même chose. Tous les psychologues te le feraient remarquer.
L’écrit et la parole participent tous deux du discours profond de l'être, sauf que l’un est construit, voulu, désiré et cherche à atteindre des buts autres, trop souvent cachés, tandis que la parole, plus viscérale, immédiate, procède de l’intime, de la familiarité, de la singularité. Voilà, le mot est dit : le discours parlé tient de la "parole donnée", de la séduction, de la vie. L'écrit procède du charme et de la beauté. Et de l'éternité.

L’écrit se compose de deux discours parallèles, l’un offert au lecteur inconnu qui le sirote à sa façon, et l’autre, parole totalement différente dans ses vouloirs, offre une "relation-plaisir" éternelle.
Remarque, Marcus, que ta parole t’engage dans une manipulation de l'autre, sorte de baise couillon, sachant que le couillon... Tu saisis la nuance ?
- Oui, mais non ! Pas d'accord.
- OK. Si je gueule : « Au secours  ! » ou si je l’écris, vois-tu la différence ? Parce que si tu réponds à mon écrit, j’ai le temps de me noyer. Tu me diras que c’est impossible de se noyer et de l’écrire en même temps. Comprends-tu ?
- Peut-être mais, si tu appelais à l’aide, je serai toujours là pour toi.
-C’est cela, c’est cela, mon bon Markus : tu a compris mon discours.

PS: dois-je dire à Markus pourquoi j’appelais ma mère la vieille sans trop dire et parler ? Je ne sais. Et si je le laissais mitonner pour lui apprendre à trop parler pour ne rien dire ?
Parce qu'à dire que je parle trop, il va finir par m'énerver, le Markus.

Le Vigan le vendredi 3 janvier 2014, date anniversaire de Patricia en Cévennes. 

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