vendredi 17 janvier 2014

La revoir : non et non ! Et oui* ?


- Et si tu la revoyais, hein ?
- Oui, si tu la revoyais, qu’il me dit mon pote Rolando, ça t’en bouche un coin, non ?
- Si je revoyais qui ?
- Ben, tu sais bien… l’amour de ta vie. Il a existé, non ? Et, c’est qui ?
Rolando me posait un casse-tête chinois, le même que celui de mon paradis. Je ne vous ai pas encore entretenu de cette affaire si délicate. En un mot comme en cent…
- Quand je mourrai, oui, quand je mourrai...

- Parle pas de malheur, s’il te plaît !
Oui, quand je mourrai, je ne veux pas que l’on m’incinère pour ne pas réchauffer la planète, en premier lieu. Ensuite, parce que je crois à la résurrection des morts et que j’ai décidé de faire honte à mes héritiers qui, je le sais, ne fleuriront pas ma tombe.
- A quel âge ?
- A quel âge… quoi !
Effectivement, ressusciter à ma mort, en vieux ce n’est pas très encourageant en matière d'éternité !

- Et tes amours, seront-elles au paradis ? Croyant, pas croyant. Celui d’Allah, celui de Dieu ?
Effectivement, je n’y avais pas pensé. Imagine, être au Paradis avec toutes les nanas à qui on dit je t’aime, rien que pour assouvir sa faim, avec des paroles cache-misères en guise de cache-sexe (1). Et aussi celles que j’ai trompées. Ouah ! La galère !
(1) Oui. Plein de misères mais un seul sexe. Ceci pour la règles des singuliers-pluriels, enfin ce me semble. Pourtant la misère ne serait-elle jamais que singulière, et donc pas de S ? Renseigne-toi, Gilou ! 

- Et celles qui t’ont fait pousser des cornes ? Rigolo !
- Oui, rigolo. Parce qu'au moins, je rencontrerai mes infidèles.
- Elles sont toutes là, les adorées, les aimées et toutes plus jeunes que toi. 
- Ou-là-là, Roland. Terrible. J'ai dit à toutes que je n’ai jamais aimé qu’elles !
- Comme moi. Elle est bien bonne, celle-là. Elles savent maintenant.
Ce serait l’enfer. Heureusement qu’au Paradis, on pardonne tout.
- Oui, mais la plus aimée ?
- L’amour de ma vie ? Le seul, l’unique ?
- Oh, oui. Raconte, Gilou !

Des amours, j’en ai eues. Sincères, différentes, belles, difficiles, prenantes, particulières.
- Mais, le seul crève-cœur qui t'ait transporté…
- Celui de mes vingt ans. Quand j'étais jeune-fou, passionné, tendre et doux.
- C’est vrai que la tendresse…
- De ma vie, je n’ai jamais rencontré une telle beauté. A dix-huit ans, est-on déjà femme ? Moi, j’avais vingt piges, je sortais de mes livres d’amour, de mes torpeurs adolescentes, et pas encore homme.
- Dis-moi sa beauté !

- J’aimais qu’elle soit plus petite que moi. Qu’elle ait la peau très blanche et très fragile. Des cheveux tirant sur un brun clair, presque blond vénitien. Oh, elle était un peu grassouillette, ce qui n'était pas pour me déplaire et, mieux, cela lui faisant une belle poitrine.
- …
- Ma mère l’appelait « ta poupette », la poupée.
- Et tu lui caressais les seins, à ta poupette ?

- Elle avait les seins en forme de poire, les plus fragiles disait-elle, que j'appelais mes deux captifs, mes oiseaux que je sortais délicatement de leur cage sans même prendre le temps de dégrafer son soutien-gorge.
- Ils étaient lourds ?
- Oui, et chaque lobe se blottissait bien dans mes mains, celles d'un honnête homme qui n'osait pas la brusquer, la bousculer, des seins en poire dont j'en suçotais le si délicat téton, les mordillant l'un après l'autre pour faire frissonner la belle, ma belle (2).
(2) Remarquez ici  l'utilisation appropriée du nombre. Des seins dont je suçotais le téton. Hé, oui. Un à la fois, le téton. On en peut pas les baiser tous deux en même temps, les seins.

- Et ses yeux, leur couleur : de quelle couleur étaient-ils ?
- Noisette et changeants (3) selon l’humeur du temps, sombres mais plus dorés quand il faisait soleil. Et j’aimais embrasser ses paupières et... oh, elle avait de ces cils d’une longueur extraordinaire pour me faire des mimis papillon. C’était ravissant.
(3) Le pluriel ici s'impose. Les noisettes ont toutes la même couleur qui ne peut changer. Les yeux n'étant pas des noisettes peuvent donc être changeants de nuances noisette, et donc de couleur !  

- Tu dis qu'elle n’était pas grande. Et ses pieds ?
- C’est vrai et c’est étrange, ses pieds aussi beaux que des mains. Souvent, tu remarqueras que les orteils… tiens, regarde les tiens tout recroquevillés dans tes sandales, oui tes orteils sont vilains. Pas les siens, fins et beaux comme ses doigts, des doigts expressifs comme ceux des danseuses orientales, ma danseuse dont j'aimais prendre la main pour y déposer au creux un baiser...
- Son odeur… son parfum.
Je ne m’en souviens pas mais elle sentait toujours bon, qu’elle soit délicatement parfumée ou pas. Elle disait que je sentais le pain chaud et que nos senteurs se mariaient bien.
- Je ne voudrais pas te gêner, mais de ses hanches…

- Et sa taille ? Ben, disons qu’elle avait les hanches larges, un beau fessier et une taille fine que c’en devenait un plaisir de l'enserrer et de poser délicatement une main appuyée sur sa croupe, ce qui ne la gênait que lorsque nous étions suivis par quelqu’un.
- Et, comment elle s’habillait ?
- Elle aimait toutes nuances des bleus qui la mettaient en valeur dans ces robes d’actrices de cinéma, celles de l’époque de Nous Deux… J’aimais beaucoup la blanche à la Marylin Monröe. Et, tout lui allait à ravir parce qu’elle était belle et aimait paraître, papillonner, tournoyer, faire virevolter l'étoffe en marchant.
- Elle portait des bas, des talons ?
- Oui, parfois le soir. Des bas qu’elle faisait tenir avec des épingles à nourrice. C’était une sorte de bricolage qui m’amusait mais ses bas faisaient briller sa jambe de ce noir indéfinissable de ces nylons de l'époque. Et, lorsqu'elle me faisait ce plaisir des hauts talons qu'elle ne portait que pour moi, tu aurais vu ce galbe incroyable. 

Ma belle n'était pas une nana. Elle était toute mon Amérique, mon cinéma, mon Hollywood, ma Lana Turner, ma Marilyn, tant elle irradiait de beauté à mon bras. Et sortir avec elle, qu’elle fierté pour moi, pauvre berbère. Tiens... elle était la chance de ma vie !
- Tu en étais jaloux ?
- Oh, non. Je ne savais que l’aimer en toute confiance, en toute douceur…
- Elle se maquillait ?
- Elle privilégiait les roses  peu colorés que je dirais naturels et qui lui donnaient cette couleur des lèvres jouissantes. Et pas de maquillage autre.

- Sa démarche ? Oh, elle avait un port de reine, de danseuse classique. Et elle savait marcher. Elle faisait du théâtre, posait en starlette, se mettait en scène et en lumière, dansait à ravir.
- Elle s’appelait comment ?
- Pour toi, Rolando, nous l’appellerons Lilas, tant elle aimait les bleus.
- Mais, l’histoire a commencé au Vigan ?
- Oui. Un coup de foudre sur le chemin de la rivière.
- Et, sais-tu ce qui t’a accroché en premier ?
- Un tout, la fille d'un tout : gracieuse, timide, une beauté comme je n’avais jamais vue, et qui m’a sorti de ma léthargie, qui m’a démoli tout d’abord, parce que j’avais peur de ne pas lui plaire.
- C’est une belle histoire comme toutes les amours commençantes, hein Gilou ?

- Oui. Et si tu avais entendu son rire. Elle avait en plus de la conversation, un rire et un humour qui vous réconciliait avec la vie, vous faisait aimer tout et tous. Tiens : elle aimait Philippe BOUVARD et ses blagues.
- Mais l’histoire a fini un jour, non ?
- Oui. Elle s’est mariée tout en continuant à m’aimer. Le jour de son mariage en Normandie, tandis qu'il pleuvait et qu'elle pleurait. Et puis notre histoire a repris, douloureuse, compliquée, impossible, des années durant. J’en étais heureux et d’une tristesse infinie, à en mourir de chagrin. Mais, bon. c'était ma vie, mon lot, la malavita à Dieppe.
- Cà a été très dur, hein…
- Pour ma mère qui soufrait pour moi et qui l’appelait, derrière mon dos, « ta pitainte ». La putain, quoi !

- Et si tu la revoyais, par exemple, là, aujourd’hui elle te fais face. Tu fais quoi ?
- Honnêtement, Rolando que veux-tu que je te dise ?
- Mais, c’est pas à moi. C’est à elle qu’il faudrait dire !
- Je lui dirais : salope, tu m'as brisé le cœur, pourri la vie, j’ai failli mourir de cette histoire.
- Oui, mais, est-ce que tu lui en veux ?
- En toute franchise ? Bien évidemment que je lui en veux. Disons qu’elle m’a déçu.
- Donc, si tu la revoyais, l'amour...
- Si je l’aime toujours ? Tu voudrais savoir ?
- Ben, oui. Tu lui dirais: je t’aime Lilas ?

- Roland, tu le sais bien. Tu as aimé, comme moi. Il est des personnes qu’on aime à en pleurer, jusqu’à la mort. C’est ainsi.
- Donc, tu aimes toujours Lilas ?
- Si j’aime toujours Lila… si je l’aimes ? Que te répondre, mon vieux, hein ?  

 Et moi, j'avais 20 ans, elle 18. Et merci de m'avoir lu.
             Rolando le 17 janvier 2014.

Et, salaud d'Américo qui me demande : 
- Si tu la revoyais,  grosse et moche... et vielle,  l' aimerais-tu pareil ?
-Ben, mon salaud ! Ben mon salaud ! Et toi, qu'en penses-tu ? -Mais, elle accompagnée de tes vingt ans, hésiterais-tu ?


 

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