lundi 17 mars 2014

A la Saint Patrice*, ce 17 mars.


Appel inespéré de mon garçon, disparu depuis… depuis quand ?
-C’est moi, papa. Oui, Estienne*. J’appelle d'Argentine. Attends, attends ! Non, je te raconte. Mais, non, c'est pas la Patagonie, ni le Pérou.
*Estienne. Avec un S. n'en déplaise aux puristes. La préposée à l'Etat-Civil s'était plantée.
 
Et, Estienne m’a raconté sa pampa, ses tribulations, plus l'autocar, les distances incroyables, la fatigue, les gauchos, les troupeaux et les chevaux qu'il aime. Enfin, quel plaisir j'ai pris à l'écouter se raconter, moi qui le croyais mort.
-La Patagonie ? Mais, bien sûr que je sais où cela se situe. Oui, comment il s’appelle le chanteur français… Ah, oui. Florent PAGNY y vit.
-Laisse parler, Papa ! Tu sais que j’ai rencontré un copain à Munich, le Jean-Luc qu’on appelle, en verlan, pour rigoler derrière son dos, Jean Cul… Mais oui, fonctionnaire.  Pourquoi derrière son dos ? Ben, devine, papa !
-...!  
 -Tu connais aussi, au Vigan un fonctionnaire...? Non, non, ce n'est pas lui. Attends, laisse-moi parler, oui, pour une fois. Voilà-voilà !

Donc, avec Jean-Luc, ils s'étaient allémanisés* à la fête de la bière, au double-litron Allemand ! Un comble !  Non, non, pas le vin du Rhin ! Faut le faire : ivres-morts. La fête, quoi, la vraie de chez vrai. Tant déjantés, que je te raconte pas.
*ce qui signifie en langage franc teuton (pléonasme sympathique), pétés à la bière de Munich.

-Et le boulot, garçon, une année sabbatique, c'est ça ? Ah !  
Et, mon Estiennot me raconte sa connerie à dormir debout !
-Ben, Papa, attends : je te raconte mon camarade de faculté, ses parents français, leurs milliers d’hectares en Argentine, un type toujours aussi sympa, le mec. Pour finir, après une histoire d'ivrogne et en plus, en Allemagne, par inadvertance, on se décide à partir aux Amériques. C'est d'un fou !
-Ne me dis pas que, bourré tu as pris la décision d’aller...
-Mais, Papa, si on peut plus rigoler! Une belle occasion, tu aurais hésité ? Et puis, Noël en Patagonie sans les emmerdeurs philosophes qui esquintent leur vie sans jamais vraiment oser la vivre, la risquer.
-Tu étais gaucho ?
-Oui, que je te raconte les odeurs, les chevaux, les levers de soleil, les petits matins froids, la corne des sabots brûlée ! Et la viande grillée ! Et le cul tanné des heures durant sur ton bourrin... Le soir, après le feu de camp, tu ne penses plus qu'à dormir pour récupérer.

Estienne, je le comprends maintenant, avait parfaitement raison. Pour une connerie ? N'hésitez jamais, et à tout faire, une grosse, de préférence !
-Donc… mais le billet pour l’Argentine ?
-Enfin, Papa, tu me connais : Jean-Luc veut m’inviter ? Il se débrouille !
-Et le retour ?
-Tu sais bien que mon pote a quelques relations en Argentine... en France ? Aussi ! C'est la débrouille.
-La débrouille, la débrouille, en cas de problèmes pour le retour je ne me vois pas te rapatrier petit. Je t'aime, ce n'est pas la question mais le pognon pour l'avion, il faudra le trouver. Pas de problème, pour toi mon fils, mais pour moi !
-Arrête de barjoter*, papa ! (barjoter verbe, de barge, bargeot, fou. Ndlr.)

Et mon fils a continué à raconter sa Pampa, son Nouveau Monde, les hommes, les espaces infinis que tu ne peux pas savoir. Et la nature vierge, les troupeaux immenses, les ciels chargés, l'horizon toujours bas que c'en est d'une beauté indicible. Alors, quand tu rajoutes la solitude et, en prime, le désespoir… oui, ce doux désespoir que ressentent tous les solitaires mais qui enjolive tant leur vie !

Moi, je crois que mon Estienne a pété un câble. Il est fou. A lier !
-Papa, tu devrais venir ici. Les emmerdeurs au mètre carré… autant que dans le Sahara, à mon avis !
-Oui, mais, pour les femmes, Estienne, je fais comment ? J’ai besoin de relations mondaines, moi !
-Buenos Aires, Papa, c'est une grande ville. Et puis, tu vas bien rire : y aller avec l'autocar, c'est d'un long que quand tu arrives, tu n'as plus qu'une seule envie : dormir tout habillé 24 heures après t'être saoulé toute la nuit de ton arrivée. Alors, les femmes, Papa, je ne te raconte pas : Impossible !
-Si c’est pour danser le Tango, entre gars de la marine dans les bars, comme à la Belle Epoque, sans femmes, bonjour bandonéons et compagnons.
-Mais non, ici, à Buenos-Ayres la vieille ville, les femmes pratiquent très bien le français et nous rêvent tout en tendresse, nous savent moins machos, moins tango-tango.

Mince, alors. Et moi qui me suis toujours inquiété de l’avenir avec une poire pour la soif plus un petit coin en Cévennes pour me ressourcer avec mes chiennes, un chat, les amis aux alentours, je trouve que mon fils me ressemble si peu, lui qui mise tout sur un coup de tête !

D'un autre côté, c’est mon fils Estienne, que j’aime par-dessus tout.
Alors bonne nuit dans ta nuit étoilée argentine. File un gros bisou sur le museau de ton canasson d'amour de ma part, amuse-toi bien, et amitiés à tes copains gauchos et Jean-Cul, mon bon gars,
et veuille nous faire d’autres conneries de ce type, garçon,
               et merci de ton coup de téléphone,
               ton papounet Gilino.

Ps: le dessin est de tonton René BOUSCHET pour la St Patrice.
Fini le baratin, faut conclure.
 1-Marie-Chantal!... Vous n'aimez pas qu'on vous embrasse.
2-Vous plaisantez Jean-Lou ! J'adore ça !
3-Y-a trois endroits où j'ai envie qu'un homme m'embrasse !...
4-Rhâââââ !
5-Disez-vite ! Disez-vite !
6-Rio, la Barbade et St Barth.  

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