vendredi 24 juillet 2015

Croisière en Norvège - 3

Cachez-moi ce tonton
... que je ne saurais voir !

Et nous revoilà croisant sur nôtre beau bâtiment rouge, blanc, bleu. Comme avant-hier, encore et toujours bruine et brouillard lorsque nous pénétrons dans un fjord long, étroit et encaissé. Depuis le jeu de la pomme d'hier, les passagers que je rencontre ont tous le mot aimable. Seul Adam a disparu, et qu'importe si madame sa dame aura repris son homme en main ? Il le méritait bien.

Ma frangine disparaissait tous les après-midi. Inquiétant car pas moyen de lui faire dire ce qu'elle manigançait, quant à mes tantes, elles couraient toujours après moi et surveillaient que les nièces soient bien rentrées dans leur cabine, à l'extinction des festivités. 

Mes journées, se passaient souvent avec trois copains de l’usine, les seuls bretons de nôtre fournée, dont un noiraud, genre bougnat, la quarantaine mignonne avec un ventre d’homme fort, des épaules de lutteur. Pas très loquace, la moustache de sapeur mais moi j'aime bien et puis, pour ne rien gâcher, il paraissait doux. Ma jumelle, qui n’avait pas froid aux yeux :
-C'est pas possible. Mais, il a faim, il te dévore des yeux, le Bruno. Il te veut. Prends-le et fais le manger dans ta main. Il a plein d’oseille ! Amuse-toi, sœurette

Ma jumelle était très coquine, pleine de malice, une belle vilaine du genre que Gilou apprécie. Toi aussi, Pierrot, on le sais.
-Mais, le bonhomme ne me plaît pas, Mylène, je lui disais.
-Eh, alors ? Ce n’est qu’un mauvais petit quart d’heure à passer. Un seul par jour. Et pas plus, et même que tu peux espacer. Après ? Tu lui fais la grève, au copain de la CGT. Pour sa peine et lui apprendre à vouloir se goinfrer d'une belle jeunette comme toi. Il vaut le coup, crois-moi ! Il a du pognon à revendre.
Mylène ? Complètement folle qu'elle était, et dévergondée, fallait voir ! Et, depuis toute jeune. Et çà plaisait aux hommes, faut croire. 
Et puis, comment savait-elle qu'il était plein aux as, le Bruno ?

Marraine, ma tante du côté de ma mère, une gentille femme conciliante, agréable, bon vivant mais qui vérifiait tout, son défaut, participait à la croisière. Je l'aimais beaucoup. 
Concernant tonton, son mari, comment dire… oui, cet oncle par alliance n'allait pas bien du tout à toujours vouloir glisser une main, tant qu'à faire deux, dans mon corsage. Et leste, la main. Un rapide que cet homme-là, toujours à me surprendre. Fallait bien endurer : c’était mon oncle.
-Et ta marraine, savait-elle les manières de tonton ? 
  
Du tonton ? A force de le pratiquer, marraine connaissait bien son saligaud. Elle disait qu’à part son petit jeu de main malsain, dont elle aimait à rire, il était pourri de qualités. Alors…
-Tu voulais dire pétri de qualités ?
Pourri, je préfère... car tu avais beau le remettre en place discrètement, dès que tu baissais ta garde, eh hop ! Une main baladeuse sur tes nichons. Et que sur les seins, une sorte de fixette de malade mental. Avec ma sœur jumelle ? Il ne s’y risquait pas. Elle était plus futée et plus rapide que moi. Ou le remettait en place vertement.

-Mais, tu ne pouvais pas lui mettre la vergogne ?  
Pour ce que çà pouvait lui faire, la honte à ce grand gosse mal sevré. Il était blindé et te souriait si adorablement qu'il te désarmait, ce bambin de 50 ans. Mais, c'était d'un pénible, quand même, à toujours te tenir sur tes gardes.  Et puis, tes nichons, c'est tes nichons, non ?

-Ton oncle mis à part, cette croisière, tu en auras profité, ne dis pas non.
Oui, mais pas comme tu crois parce que, même sans mon mari, j’étais chaperonnée par mes tantes, mon tonton, les copains de la boîte. Plus tonton qui ne se gênait pas à me glisser ses mains entre les seins. Mais tonton, c'est tonton. On le connaissait : il était coutumier du fait. Et tant compulsif que çà faisait rigoler toute la CGT.

-Et, pas même un flirt ? Allez, un petit ! Juste un tout petit...
Pierrot, te rappelles-tu les attentions du pianiste ? Même si j'avais voulu, mes tantes me surveillaient de trop près. Tu te rends compte, chaperonnée à mon âge ! Ailleurs que sur le bateau, à l'usine ? Non, parce qu’à l’époque, j’étais sérieuse. Le bougnat ? Même avec les plus doux yeux du monde, non, et même s'il m'avait plu.
Non, je n’aurais jamais trompé mon mari, j'avais ma fierté ! Avec le chef d’orchestre ? Grands dieux ! Surtout pas ! Il était trop vieux, et moi bien trop jeune. Trop timide ? Pas même : je me respectais !

-Rosemonde, et si c’était à refaire, dis ?
Aujourd’hui, à mon âge ? Amusante, ta question mais bien trop tard. Quand j’étais jeune, connaissant la vie comme aujourd’hui, tu penses bien que j’aurais suivi le conseil de ma jumelle. Parce qu'à s'amuser, quel mal y a-t-il si on sait se taire ?
-Même le bougnat qui ne te plaisait pas ?
Le bougnat avec ses yeux doux et ses manières raffinées ? Tiens, pourquoi pas le bougnat. Et le pianiste, aussi ? Je veux. Et mon bel Adam à la pomme ? Alors là, Cendrillon se serait jetée contre le carrosse de son Prince pour devenir sa petite pomme d'amour à se faire croquer toute crue !

-Et le chef d’orchestre, ma belle Rosemonde ?
-Pour faire bonne mesure ? Peut-être pas le chef d’orchestre. Et, pourquoi pas tout l’orchestre, tant qu’à y être. Mais, non, Gilou, je plaisante. 

Ah, Rosemonde, quand le souvenir charmant t'assaille, parfois le regret t’étreint le cœur. 
 -Cette croisière, n’a jamais existé, c'était une blague affirma Rosemonde en rougissant. Quant à tonton et ses mains baladeuses, comme je n'ai pas de tonton... ni de marraine, alors, tu vois bien ! Je me suis amusée à inventer une histoire que Pierrot aura aimé lire sur mes petites lèvres.   
Tu crois qu'elle ne peut avoir été inventée ? Si tu le dis, Gilou, et si çà te fait plaisir !

Chère Rosemonde, cette main ne sortira pas de la famille, ni de ton corsage, encore moins de nôtre imagination, alors nous n'en ferons pas tout un plat.

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