mardi 7 juillet 2015

La fée Caramba ! - 4


Aie, aie, aie ! Caramba !...

L'amoureuse pleura beaucoup les vendredi et samedi suivant la rupture et, par compassion, tout le Supermarché prit en grippe son ex-saucisse tant et si bien que le boucher lui lança, le premier :
-Hey, Truman Capote ! Soit, mais pourquoi Truman ? 
-Ben, pour se foutre de l'autre capote ! Ma femme qu'a trouvé. 
Les plus amers auraient aimé l'insulter, mais uniquement si la Direction l'eut expressément autorisé, secoué même, au besoin pour lui bien apprendre les choses de l'amour.

Pourquoi ? Mais, parce qu'Alicia, à chaque fois qu'elle mourait d'amour donnait du bonheur par sa joie, sa vivacité et sa gentillesse. Des caissières aux responsables des rayons et aux vigiles, on l'aimait et tous l'entourèrent dans l'hypermarché, et il faut croire que ses copines démonstratrices l'avaient guérie de sa maladie d'amour en deux temps, trois mouvements.

Le semaine suivante, pour les promotions des produits américains, il n'y parut plus rien tant nôtre petite démonstratrice, toute à ses envies et à sa tchatche ravissait son monde. Nous retrouvions nôtre Alicia-plaisir devenue cow-girl portant santiagues pointues et jupe serrée à la taille d'un large ceinturon-holster garni de son révolver plus lourd qu'elle.
Et on ne peut pas dire qu'Alicia ne savait pas mettre en valeur sa taille fine en faisant virevolter sa lourde jupe sur ses hanches qui pouvaient en intéresser plus d'un, croyez-moi.

Oh, j'allais oublier sur la tête le Stetson trop large porté en arrière, sur la nuque, à la cow-boy, et le gilet noir d'où sortait, accrochée à une boutonnière, la chaîne d'argent d'une montre à gousset, pouces glissés dans les petites poches pour la monnaie, mains posées à plat sur le ventre, façon patron de saloon, une allumette glissée entre ses jolies dents. 
Caramba, Alicia ! Aie, aie, aie !...

Le Supermarché, mis à l'heure américaine diffusait de la musique de square-dance que Caramba, tout sourire, ponctuait de quelques pas frappés de ses bottes, puis se prêtait volontiers à poser avec ses clients devant un bison de décoration grandeur nature qui, lui aussi, semblait être tombé amoureux de la petite fille de la prairie.

Les hommes, attirés vers ce stand-là ne pouvaient que s'empêtrer en leurs contradictoires désirs : de nôtre cow-girl ou de son présentoir, de sa bouche ou de sa croupe, des arrondis ou des creux.
Mais, à choisir entre cette croupe animale et le rose à lèvres si féminin, il ne pouvait y avoir la moindre hésitation dans l'air : on voulait tout embrasser. Pour tout embraser ? Ce n'est pas moi qui le dit.

Voyons, est-ce que la bonne Alicia, qui savait se faire ingénue pour que toute honte vienne aux hommes, vous aurait-elle fait tourner la tête ? A vous aussi ? Ah ! 
Et problème il y avait : les succès de nôtre bombe atomique américaine ne pouvaient qu'être éphémères et finissaient désastres prévisibles, et peine immense, constatons-le, quand bien même il nous restait les consolantes copines à toujours pouvoir rattraper le coup, soit, mais pour en faire quoi ?

Voyez-vous, en peu de temps Alicia avait déjà oublié et son amour de capote, la grande saucisse et le chagrin qui s'en suivit. Pauvre Alicia qui s'apprêtait à achopper sur la même pierre d'amour pour s'étaler encore de tout son long et salir sa belle jupe, patchwork bariolé, sur le Chemin escarpé des apprentissages amoureux, le GR 69 qui, pour nous perdre part de Pigalle et finit par nous mener à Rome, en pleurs, y faire pénitence.
 
-Monsieur ? C’est la semaine du goût. Approchez ! Voyons comment Alicia présentera son petit panier. Hallucinant !
-Ne dites pas non ! Et goûtez... vous ne pouvez pas ne pas aimer !  L'attaque se faisait sévère, précise.
-Elle est gourde, ou est-ce une invite... s'interrogeait le client déjà conquis par tout ce qu'Alicia semblait capable de proposer, et on espérait ses yeux, ses lèvres, sa jupe, ses hanches. Tout, quoi !
Et ce pétard de cow-girl ! Pour le coup, à bien tenir serré...

Le hélé, peu intéressé par les produits américains présentés (doulce France oblige), et bien avant que de se décider à se laisser hameçonner par la belle faisait un long traveling qui, embrassant le stand finissait par un large plan américain scrutant, inquiet, l'engin du "Goûtez-moi... ".
-Elle le fait exprès ou quoi, la folle ? Et, cette chute de reins ! Au lit, une reine, je te dis pas. Non, une bombe à t'exploser, te soulever, te porter aux nues ! Bagdad, here we are !

-Oui, l'ami, mets-y le doigt là-dedans, essaie-y voir, que je t'explique, semblait dire la belle plante de 48 balais sortie tout droit d'un western italien, un peu enveloppée, boudinée et court vêtue, il est vrai mais à qui, à cet âge des retours amusants, on pardonne tout surtout si on espère qu’elle se donnera, elle aussi, en son entier.
-Attends de monter là-dessus et tu verras Montmartre, escomptait le plus qu'intéressé!

-Voyez ce produit. Laissez-vous tenter pour votre dame... Pardon ? Je suis désolée. Faut dire que, l'autre coquinasse, entrevoyant une sérieuse ouverture : 
-Je vis seul avec mon petit Mathias de 3 ans. Un divorce délicat, vous comprenez !
-Menteur, va ! aurait-elle pu lui crier sous le nez. Au lieu de cela, et c'est à ne pas y croire :
-Comme je vous plains, Monsieur. Monsieur ? disait la dame.

Se voulant être Diane chasseresse, elle devint biche qui risquait bien de se faire tirer par Nemrod (le prénom de nôtre chasseur, je le certifie).
La femme des supermarchés était avide d'amour et, avec ses yeux, et ses hanches, et sa croupe et ses seins aussi, pouvait-elle se faire autre que biche, ce qui n'était pas pour lui déplaire, à cette petite qui savait qu'elle devrait faire profit de ce type qui l'avait salement mise en appétit. Et, en toute hâte.
-Et pourquoi pas en bouche, soupira-t-elle ? Il n'est pas Carambar, mais c'est un bonbon, tout de même. Pas même acidulé ? Tant pis, il me changera de mon caramel devenu mou.

Mince, alors ! Faudra penser à changer de crémerie avec bobonne, pensait l'autre matois, surtout les vendredis et samedis. Impératif !
-Je m'appelle Henri... répondait le bel et bon client qui se voulait divorcé afin d'obtenir ce permis de tirer des bordées qu'espère tout homme marié. Et, puis, les supermarchés, n'est-ce pas bon pour les affaires ?
-Permission de monter à bord, Madame ?
-Permission accordée, Sir !

-Henri, tu parles, aurait-elle pu dire. Pourquoi pas Charles ?
Un coup, surtout un bon coup se refuserait-il jamais ? Oh que non !  

-Et, allez-donc. Et, avec ça, vous prendrez quoi... ? pensait-elle. 
-Ben... euh... répondait pertinemment son Nemrod.
-Emballez, c'est pesé ! Et, allez-donc, la belle...


A suivre... 

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