dimanche 21 août 2016

Deux allers simples pour finir.

En ce dimanche matin 21 août, chers frères et soeurs, permettez que je poursuive mon récit par quelques mots sur les protestants qui, à travers la France et l'étranger forment encore une nébuleuse de familles souvent alliées par cousinage et presque toutes s'honorant d'un pasteur dans sa lignée.

Certains me demanderont : "Mais, de la consanguinité ?"
Disons que leurs "divisions" en nombreuses "sectes" légèrement divergentes qu'ils nomment  leurs chapelles devraient légèrement accentuer le risque y étant lié mais les études épidémiologiques révèlent la même proportion d'imbéciles heureux dans ces "communautés" élargies que pour l'ensemble de la France. Toutefois, leur nombre étant moindre vous constaterez que la réputation du petit troupeau n'est pas surfaite : meilleure instruction, plus grande érudition, intelligence hors-norme, et j'en parle en connaissance de cause, tout cela les distingue. Pardon ? Mais, c'est logique, non ? J'espère que vous voilà rassurés.

Longtemps, les protestants ne purent s'ensevelir dans les cimetières communs tous consacrés par la fille aînée de l'église, la catholique seule religion d'Etat. Même leurs convois ne pouvaient s'effectuer que de nuit, en catimini, sans le chant de leurs psaumes et sans l'assistance d'un pasteur, tous proscrits du royaume sous peine de mort et accompagnés des seules familles autorisées, et c'est pourquoi leurs terres non consacrées recevaient leurs morts, à défaut les murs des maisons convenaient.   

Revenons à nos croque-morts, dont le fils de mon copain Ludo, un coreligionnaire Réformé de Castagne-le-Pont, à 17 km de là. Curieux que des pompes funèbres protestantes... mais, c'est bien sûr : on aura préféré s'enterrer entre-soi, Gardance étant réputée plus catholique que Castagne, c'est évident !
Vous verrez que l'évidence peut se révéler trompeuse. Mais, n'anticipons pas.

M’approchant du temple, et penché sur le cahier de condoléances, je n’en crus pas mes yeux. En effet, j’y lisais : Jean-Claude Lepetit. Lui-même ? Le mort ? Mais je ne connaissais que lui. Impossible, non car il avait défuncté voilà bientôt quinze ans à Castagne, et j’avais accompagné son cortège funèbre. Et même chanté le psaume des batailles d'Henri IV, le LXVIII. Mais, si !
- S’il vous plaît, le mort, oui ce Lepetit serait-il de Castagne ?…
- Non, Monsieur, des faubourgs de Gardance.
Tiens, Gardance s’agrandissait-elle ? Et, depuis quand ? Des faubourgs... faudra que j'en cause à Castagne. On jalousera.

Je remerciais et pénétrais discrètement dans le temple. Peu de monde, ce qui commence à devenir choquant. Soudain, je remarquais un des croque-morts se tenant tout au fond du temple parce qu'il accompagnait la maigre assemblée en chantant le psaume proposé. C'est comme je vous le dis !
Ce jour, je me dis qu’à chaque service funèbre protestant, je joindrai ma belle voix de baryton au chœur des fidèles par respect pour le mort, et à bien montrer qu’il fut apprécié quand bien même je ne l'aurais pas connu de son vivant et aussi pour soutenir ses proches dans la peine alors qu'ils ne devraient être que dans la paix du Christ. Tiens, curieux que l'idée de paradis même attriste des croyants...

Pendant le service, j’observais attentivement la famille du défunt et, pour ajouter à ma confusion première, rappelez-vous l’homonymie parfaite, je reconnaissais certains familiers du Jean-Claude Lepetit de Castagne-le-Pont soutenant la famille de l’autre Jean-Claude Lepetit des faubourgs de Gardance. Etrange, ce même prénom d'un ancêtre commun parpaillot que les deux familles vénéreraient donné à deux enfants, certainement cousins séparés par 17 km de distance seulement. On peut supposer que leurs parents ne se fréquentaient pas. Pour des protestants, que voilà une chose remarquable.
Sorti du temple bien avant le mort, je me dirigeais vers le Bar-tabac des Halles. A cent mètres se dessinait en fond de rue l’église catholique. Imposante. Et, devinez quoi ?
Pas Dieu possible : un autre corbillard y attendait tranquillement son chargement. Et, encore un de chute.

Un enterrement catholique, et je passe mon chemin sauf pour un saint homme patenté, ce qui est plutôt rare ou si j’avais eu commerce avec lui. Pour éviter de devoir me décider pour un autre accompagnement car j'avais ma dose, je pris à angle droit vers le Café de France et le Café du Peuple et, devinez quoi ? Ah, ah ! Mystère.
Allez, que je vous étonne. Une scène impensable sauf par chez-nous : les croque-morts portant beau dans leur costume couleur rouille préférée au noir trop sombre, tête nue pour ne pas s’obliger à se découvrir à longueur de temps devant le cadavre… oui, ces messieurs de la mort se tenaient attablés en terrasse du Café de France, buvant une bière comme si de rien n’était. Faut dire qu’il faisait chaud en cet après-midi de juillet, aussi la bière s'excusait.

Je crois que, tous comptes faits, moi qui me voulais un service funèbre au temple, j’aimerais bien me faire accompagner de croque-morts protestants bons chanteurs pour étoffer la maigre assistance que je prévois après ma vie de patachon et, quand à frimer encore un peu je désirerais ma dernière prise en charge dans un long corbillard noir Mercédès rutilant de tous ses chromes et un chauffeur de maître avec casquette qui, en prime me chanterait, lui aussi les psaumes de Marot le long du dernier trajet.

D’un autre côté, des croque-morts pour un service funèbre catholique qui boiraient à ma santé à la terrasse du Café de France, oui de France, imaginez mon plaisir et sans que je n’aie à leur remettre la tournée, n’est-ce pas aussi tentant ? Surtout, ne pas oublier de se décider longtemps à l'avance, les futurs morts ne sont-ils pas réputés négligents en ces choses de l'après ? Et pourquoi pas un "mix" de croque-morts, les uns sifflant la bière en terrasse pendant que les autres la porteraient au cimetière, sans oublier mon chauffeur particulier, casquette à la main m’accueillant, respectueux dans ma longue Mercédès noire ? Pas mal, non plus !

Le plus étrange dans toute cette histoire c’est qu’un catholique et un protestant prennent cet aller simple le même jour. Je me dis qu’œcuménisme obligeant, leurs famille auraient pu s’entendre pour un service commun, soit au temple, soit à l’église, ne serait-ce que pour doubler le maigre nombre de leurs suiveurs.
Oui, mais non, je rêve car il faudrait penser à partager la quête en deux, les religions n'appréciant pas du tout. Et puis, ces deux morts n’avaient pas lancé eux-mêmes les faire-part ni prévu le même jour leurs funérailles, quant aux familles obnubilée par l'héritage dont elles n'ont pas encore connaissance, ne comptez que sur leurs espérances, c'est tout ce qu'on peut leur demander. 

Ce jour, j'avais deux enterrements sur les bras avec deux morts qui ne se croiseront même pas pour leurs funérailles mais qui arriveront ensemble au paradis. N'est-ce pas extraordinaire qu'il faille trépasser pour un aller sans retour vers le même oubli éternel en empruntant deux lieux de culte différents ? Et dire qu'ils ne se seront peut-être jamais rencontrés avant le cimetière. Quelle tristesse que la vie !

Services divins ou pas, tout doit cesser à un moment. Pourtant, mon histoire ne peut finir sans que je n'aie réussi à me décider pour le bistrot où j'aimerais bien me poser. Au Café de France, avec les croque-morts ? Je les fréquenterai bien assez tôt sans plus jamais pouvoir discuter le bout de gras avec eux. Au Café de la Poste à la terrasse étroite ? Mais, il me faudrait retourner sur mes pas après avoir dépassé, sans m'y arrêter le Bar-tabac des Halles et sa jolie serveuse toujours entourée d’un trop grand nombre de consommateurs, tous jeunes hommes et célibataires à n’en point douter. Aucune chance !

Dépassons, si vous le voulez bien le Café de France et posons-nous à la terrasse plus que restreinte du Café du Peuple, le lieu des intellectuels de Gardance où traînent souvent de jolie jeunes femmes blondes pour la plupart. Dans notre Midi, des blondes ? Moi, j'aime bien. Parfait !
On fera avec, croyez-le ! 

Et, voyez que mon histoire finit bien, même pour nos chers défunts qui n’ont plus ce souci de se trouver un bistrot sympa garni de dames en terrasse. Seules et intelligentes si ça se pouvait car, au moins je les intéresserais.
Mais moi, ce souci du choix, s'il me cause peine me fait aussi la vie belle. Alors, peinons à bien vivre bellement !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire