vendredi 5 août 2016

Du foot et des villages - 4


La partie de foot à venir promettait du beau spectacle avec mailloche* en prime, les chaudières emballées de part et d’autre risquant de flanquer le feu à la baraque, surtout à Castagne-le-Pont et particulièrement au Café des Amis. Même les entraînements du soir et du jeudi après-midi attiraient une foule de curieux comme si tous n’avaient que ça à faire dans la ville et ne vivaient plus que par et pour ce Derby. Du café au stade, du stade au bistrot, les entraînement furent cause qu'on "tombait" moult bouteilles de pastis de toutes marques, Pernod et 45 en tête, ce carburant adopté par nos supporters, surtout par tous ceux qui, ne comprenant goutte au foot avaient pris l'excuse du ballon rond comme eux, eux qu'à la fermeture des débits de boisson.
A Saint-Magloire l'Ancien, nous imaginions autant de coudes levés que chez-nous. Et tout à la victoire !

*La mailloche : manche terminé par une boule ronde servant, en musique à frapper un instrument à percussion ou outil utilisé avec un départoir pour refendre le bois. En Aveyron, sert à désigner le poing au bout du bras, et par extension, une bonne bagarre générale.

Kader, notre entraîneur-joueur remettait les pendules à son heure, comme à l’accoutumée :
-Petit, toute la saison tu m’as emmerdé avec le ski à Prat-Peyrot. Maintenant c’est Palavas-les-Flots. Et le dernier entraînement de samedi tu t’y assieds dessus ? D’accord, petit. Tu garderas ton maillot de bain pour dimanche et ton petit cul mouillé tu me le poseras gentiment sur le banc des remplaçants. Allez, petit ! File dans ta cage.
Et le Norbert, tête basse obtempéra comme une gosse pris en défaut. Et la ville fit confiance à Kader pour que notre goal ne ratât pas son dernier entraînement du samedi après-midi, encore moins le match de dimanche. Pensez : la finale de la Coupe Gard-Lozère !

Pour la petite histoire, il faut que je vous confie qu’après le match mémorable contre Pont-Saint-Esprit que nous eûmes le plaisir de vous conter et où Norbert se révéla comme l'un des deux seuls gardiens qui marqueraient le Club jusqu’à nos jours, un vieux fans et ancien joueur de la rue des Barrés (prononcez Barrès), bourrelier de son état tint à lui confectionner, en surprise des gants spéciaux en cuir renforcé qui nécessitèrent de longs essayages pour qu'ils lui aillent. 
Parfaitement !
Vous me direz que Norbert s'en passait bien avant, j’en conviens mais après la partie où il fit un malheur à Mende, ce me semble ils ne firent plus qu’un, ses gants jaunes et lui.

Tous avaient ouï que les dirigeants de Saint-Pargoire l'Ancien s’en étaient allés au siège social du Castagne Football-Club, le Café des Amis pour une petite magouille ayant pour thème "à vous le Championnat, à nous la Coupe. S'il vous plaît !". La politesse ne payant pas toujours, les plénipotentiaires s’en retournèrent furieux parce que bredouille. Pas de ça, chez-nous, Monsieur ! Enfin, si on vous le certifie, non ?
Dans ces visiteurs dépités, à voir la tête qu'ils tiraient, certains crurent reconnaître le conseiller général et le patron de la scierie de Saint-Pargoire qui avait "acheté" cinq des joueurs de l’équipe locale par une sinécure. Fallait ce qu'il fallait pour le renom du village et pour la gagne.
Saint Pargoire l'Ancien et Castagne-le-Pont, même mode de recrutement en usage au XIXème siècle, aujourd'hui en désuétude, à ce qu'on me dit et, ce dimanche, même combat de petits coqs. Paraîtrait même que, plus c'est petit, plus c'est hargneux.

Comme vous le savez, se laisser attendrir et tricher, on est humain, que diantre mais chez-nous, on ne mange pas de ce pain-là, sans compter que le principe de réalité et la discrétion impérative en la matière, elle peu assurée commandaient de ne pas succomber à ses affects. Et, n'oublions pas Kader, l’entraîneur, appuyé d’Edouard le correspondant du journal local et avant-centre de Castagne qui s’y opposeraient.
La messe était dite : aucun accord avec les joueurs ne pouvait s’envisager, encore moins avec leurs dirigeants. Non, mais ! 
-Vous ne voulez pas d’arrangement ? On gagnera quand même ! Et on vous dit bien des choses ! Lesquelles ? Mais, nous on veut savoir !  Allez, dites-nous !

Oh, bien peu de chose fuita mais il se colporta que quelques peu séantes grossièreté nauséabondes bien senties, comme on dit furent lancées auxquelles on ne voulut point répondre. Eh oui, on a beau se vouloir honorables, quand la colère vous prend, elle vous tient bien et, quand on sait qu'il vaut mieux ne jamais répondre aux insultes, on doit reconnaître que nos dirigeants de Castagne firent ainsi preuve de beaucoup de sang froid. A n'en pas douter. 
Et puis, de vous à moi, auraient-ils ressenti plus de plaisir à répondre ? Pas que je sache. Et, serait-ce de leur faute si l'art et la manière pour mieux exciter les grossiers ne consiste pas à ne pas leur répondre, ce qu'ils firent sans plus, mais correctement ? Rester digne dans l'adversité, bon sang de bonsoir, ne serait-ce pas notre quotidien ? Je ne vous le demande pas et ne vous le fais pas dire !

Ce samedi, dès 21 heures il ne fut plus possible de parier sur le match, les jeux étant faits dans tous les bistrots de la ville. Pour ma part, n’ayant pas bien compris les termes de l'enjeu, je misais 5 francs de l’époque (un peu plus de 4 paquets de Gauloises) sur un score de 5 contre 1 pour Castagne.
Las, vous constaterez que je perdis mon pari. En effet, le résultat devait être celui de la fin du temps réglementaire qui ne fut que de 4 à 4. Un nul.
Un nul de n’avoir pas compris parce que, pour moi, aucun nul ne fait gagner une coupe et, comme je vous sens plus perspicace que moi, 4 à 4 à la fin du temps réglementaire obligeait à prolongations. En effet, une coupe se gagne et ne se partage pas, et voilà pourquoi un cinquième et dernier épisode à cette histoire s'impose.

Bernard, notre co-auteur ne m’en voudra pas de dédicacer ce 4ème épisode à René BOUSCHET pour me faire pardonner mes longueurs et nécessaires redites. Comprenez, je feuilletonne une histoire, belle il est vrai, et voilà pourquoi cette longue errance dans la narration.

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