jeudi 11 août 2016

Du foot et des villages - 5


Le gros village-rue de Saint-Pargoire l’Ancien grouillait de monde en ce dimanche de finale de la Coupe Gard-Lozère à l’époque où les hommes et leurs garçons s’endimanchaient pour aller au stade comme on se rendait à l’église ou au temple et, pour une fois accompagnés de leurs dames et de leurs filles.
Certains de Castagne-le Pont vinrent à pied par la voie ferrée après onze kilomètres sous le soleil et un tunnel de 1,2km, d’autres à vélos, en mobylettes, les plus nombreux en voitures, par la micheline de midi ou les cars réservés.

Dans Saint-Pargoire l’Ancien se croisaient les hommes des deux villages qui finissaient tous par partager l'apéro dans les six bistrots puis par fraterniser comme ce n’est pas permis, leurs femmes et celles du village s'embrassant après la messe comme des amies se retrouvant. Pour le pique-nique sur la place du monument aux morts, on vous offrait du pain frais par-ci, du fromage de chèvre par-là, du vin du pays, des fruits :
-Je vous porte le pastis et l’eau. Non, ce n’est pas loin : nous habitons la Grand’rue.

Le match put débuter dans une ambiance qui contrastait avec l’excitation qui avait envenimé les relations entre les deux villes. Le score incroyable à la fin du temps réglementaire fut de 4 à 4, on le sait. Revenons en début de partie jusqu’à la mi-temps où, Castagne-le Pont, se baladant sur la pelouse étrillait joyeusement Saint-Pargoire par 3 à 0.

La jeunesse des deux villages par ennui, ou pour on ne sait quelle autre raison déserta le stade pour se mélanger en grosses bandes bruyantes par la Grand’rue désertée bordée de ses rangées de maisons-murailles entre les portes Basse et Hautes, certains traversant la rivière par la poterne du Vieux Pont pour aller se balader vers le quartier de la Gare quand d'autres remontaient l’aval de la rivière pour se baigner. Le foot n’existait plus pour la jeunesse.

Heureusement car, au train ou allaient les choses, notre équipe risquait de ridiculiser St Pargoire par un score fleuve. Rappelez-vous maintenant la fraternisation pour l’apéro, et puis les femmes s'embrassant à la sortie de la messe comme des amies de toujours, et le monument aux morts, et le pique-nique, et la convivialité et voilà que curieusement, parce qu’à Castagne on partageait les mêmes soucis quotidiens, qu’on se sentait pareil, on commençait à se faire du souci pour l’équipe de Saint-Pargoire.
Au stade, après le repos de la mi-temps, les jeux semblaient faits. Tous les spectateurs commencèrent à plaindre le petit Poucet : on ne pouvait pas leur faire ça, les mettre plus bas que terre. Non, pas ça.

Et voilà qu’à la reprise les deux ailiers de l’équipe de Castagne se blessèrent on ne sait comment et la chance se mit à tourner pour le petit Saint Pargoire qui planta son premier but, un tir imparable qui, raté au départ, foireux même surprit Norbert. Puis, la défense de Castagne prit l’eau par ses arrières toujours à la traîne et, pas plus tôt la remise en jeu que voilà un nouveau but. 3 à 2.
On avait l’impression que Kader, notre entraineur amoureux du jeu italien avait enseigné le catenaccio à Saint-Pargoire dont toute l’équipe protégeait ses bois en ne procédant plus que par des contre-attaques vigoureuses de deux ou trois joueurs rapides mais qui se révélèrent souvent manchots, si j’ose dire, leurs shoots en tirs de DCA fusant de partout mais hors de la cage de Norbert.

Si la défense de Castagne branlait dans le manche à l'attaque, que penser des demis qui jouaient chacun son registre par des dribbles, certes de toute beauté mais inutiles car ils se faisaient allègrement déposséder de la balle. Les consignes de Kader? Oubliées :
- Les petits, tous au service de l’équipe. On forme un bloc. On n’encaisse jamais.
Le seul qui sortait du lot pour Castagne, notre goal tout à son affaire palliait à sa défense par un show digne des plus grands gardiens de but. Aucun tir ne passait.

Ce fut vraiment une drôle de finale où tous y perdaient leur latin, mais on s’en était accommodé : s’était-on arrangé en coulisses durant la mi-temps ? Pour gagner ou pour perdre ? Plus tard, les joueurs nous jurèrent qu’aucun arrangement ne fut conclu entre les deux équipes, et on veut bien les croire mais Castagne, comme par magie avait perdu son brio, fallait s’y faire. 3 à 3 pour un match nul, plus que nul.

Même en jouant mal, excepté Norbert impérial dans ses bois, la messe était dite lorsque Castagne mit son quatrième but et la coupe lui revenait par 4 à 3 sauf qu'à quelques secondes de la fin du temps réglementaire, un arrière sur un corner fit une faute inacceptable dans sa surface de réparation : pénalty.
Il nous restait encore la bonne main de Norbert, sa mauvaise aussi et ses gants jaunes. On y croyait, sauf que notre gardien, feinté partit sur son pied faible. Goal ! 4 à 4. Incroyable.
L’affaire aurait mérité une traditionnelle baston générale : et bien, non car les spectateurs des deux bords semblaient satisfaits du résultat et on se congratulait. Et puis maintenant que les équipes se retrouvaient à égalité, le suspense pouvait débuter et on espérait du beau football.

Et nous voilà parvenus dans le temps des prolongations avec une défense de Castagne à la ramasse comme ce n’est pas permis et un Saint-Pargoire, pas meilleur en ses attaques inefficaces. Les encouragements pour les phases de jeu tournaient même à la rigolade et les plus applaudis furent les plus maladroits. Un tir en chandelle, un autre hors cadre et c'était la liesse, un autre bloqué par Norbert et les sifflets fusaient aussi, lorsque Saint-Pargoire s’offrit la victoire par un but d’écart, tous quittèrent le stade satisfaits, heureux même après le spectacle lamentable donné par les équipes, sauf quelques grincheux qui voulaient expliquer la défaite par un supposé arrangement honteux.

Moi, ce que j’en dis, et je pense que cela vous intéressera c’est que, tout compte fait ce qui se passa pendant cette Coupe fit plus pour l’entente cordiale entre les deux villages qu’aucun arrangement entre les équipes n’aurait pu faire …
Oui, mais de par chez-nous certains fâcheux et tous mécréants se plurent à dénigrer Saint-Pargoire et surtout Dieu qui s'étaient associés pour nous voler la coupe car, rappelez-vous :
« Ayant Dieu pour défance, nous ferons résistance. » 

Croire que Saint Pargoire l’Ancien aurait eu les moyens d'acheter Dieu pour l'inviter en 12ème joueur, c'est du grand n'importe quoi ! Tu le vois, toi le Bon Dieu se faire acheter au mercato par un boulot peu fatigant, déserter l'église le dimanche puis mettre un short à l'anglaise, des crampons pour filer sur le stade et jouer aussi mal ? 
Mais, admettons. Dans ce cas, reconnaissez que Castagne-le Pont avait aussi un dieu du stade à son service, notre Norbert.

Beaucoup en furent persuadés : Castagne-le Pont avait bien triché un peu en jouant mal, Saint-Pargoire l’Ancien un peu plus avec Dieu en 12ème homme.

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Relu et corrigé par Bernard qui tient à conclure par ces mots :

Montélimar ce 8 août 2016

Mon Gilou, deux mots. Mon texte arrangé comme ça, pourquoi pas mais petite rectification d'importance : ce n’était pas une finale de la Coupe Gard-Lozère mais un match de Championnat, donc sans prolongations. En perdant ou même par un nul, Saint-Pargoire risquait la relégation, voilà pourquoi le jeu ne pouvait qu’être tendu. Suggérer qu'il n'y eut pas d'entente cordiale entre les équipes n'est que foutaises et compagnie. Quoique, l'entente, la cordialité et tout et tout, la morale surtout y trouvent leur compte, et c'est bien ainsi.

Par contre, si je ne retrouve pas tout à fait mon récit, il est vrai que, depuis ce jour les deux populations commencèrent à se fréquenter et nos garçons se liguèrent pour aller avoiner d’importance et sans vergogne les villages voisins dans les fêtes votives et autres bals des samedis soir où j’avoue avoir cogné plus qu’à satiété. Et reçu quelques bonnes branlées aussi en retour.

Je persiste et signe : 5 à 4 pour Saint Pargoire signifie qu’il y eut bien un arrangement nécessaire pour préserver nos Derby en championnat. Sauf que, contre l’avis de l’entraîneur cette petite "amabilité" fit grand tord au foot de Castagne.
Merci quand même et embrasse Ménie de ma part.

                                      Bernard.
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Correctif : non, Bernard. Ce fut bien une match de Coupe. Certain même si je ne fus pas à Saint-Pargoire l'Ancien ce jour (j'en ai oublié le motif). La preuve fut que je perdis mon pari. Je donnais Castagne-le Pont vainqueur alors qu'il fallait donner le score à la fin du temps réglementaire qui fut 4 à 4. Donc il y eut des prolongations qui n'existent pas en championnat. Amitiés, et merci pour cet écrit. Gilles.
                                                                

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