mardi 23 avril 2013

Le culte d'Isis ! - 4


O Matterhorn. La mère, le sein nourricier, l’enfant. L’amour d’une femme pour un homme. La mort, la vie. L'au-delà, la résurrection. Mais, pourquoi ce titre utilisé au 3ème épisode? Parce que le culte d’Isis est féminin, humaniste et universaliste par excellence. C’est la religion, en premier des pauvres et des affranchis et de l’égalité des êtres, noirs, blancs, riches, pauvres, hommes, femmes. Une religion du partage des fonctions religieuses à égalité.
Et Isis protègera aussi les marins, merci pour eux!

Cette religion «féminine» prend le pas sur le culte d’Osiris, et prône l’austérité dans les fonctions religieuses non héréditaires dans laquelle les prêtres sont monogames, purs de mœurs, travailleurs et pauvres… Son message d’amour vise à la libération des esclaves, interdit le mensonge, la violence, le vol, la fraude, le faux témoignage, les blessures.
Les prêtres et prêtresses, en Europe, sont souvent venues d'Egypte.

Dans cet épisode sur la source d’Isis,
je voulais faire honneur aux femmes. Ici, on parlera de salut du genre humain, du pardon et de la miséricorde. Les actions des hommes et des femmes sont pesées et on demande des comptes aux défunts. La confession, publique dans les temples, ainsi que le baptême d’eau sont indispensables pour changer de vie. Il y a une initiation. 

Pour entrer en communion avec la divinité, la prière est fondamentale. Dieu est fait homme, meurt, ressuscite après sa rédemption et octroie la survie aux autres humains.

Quoiqu’il en soit, le culte d’Isis, contrairement aux religions du livre ne fait pas l’apologie de l’inceste mais a le courage de le poser en commencement du monde. Geb, créateur de la Terre et Nout, créatrice du ciel font 5 enfants: Osiris et Isis qui s’unissent, Seth et Nephtys qui se marient. Reste un dernier frère, Haeroeis.

L'inceste, dans l’écrit de la Genèse est occulté. On parle de Caïn mais pas de sa femme qui ne pouvait être qu’une de ses sœurs. Tout le monde suit bien ici? Non?
Un dessin de René! Ohé, René!
Pas d'inceste, pas d’humanité possible. La Bible fait une impasse totale sur l’inceste obligatoire, nécessaire qui va créer la descendance d’Adam et Eve.

Isis est  en avance sur nos religions du 21ème siècle! Religion des mystères de la création du monde, de la passion, de la promesse d’une vie dans l’au-delà pour les justes par la résurrection des morts, elle est en avance sur le judaïsme et préfigure le christianisme mais elle est toujours en avance d'une longueur sur lui parce qu'elle permet que la fonction sacerdotale soit partagée par les hommes et les femmes!
Humaniste et universelle.

Plutarque dit: la déesse Isis a le pouvoir sur la matière, elle est lumière et ombre, jour et nuit, eau et feu, vie et mort, début et fin.
Les rites d’initiation se déroulaient dans des lieux souterrains, obscurs et tortueux, comme d'une marche d'initiation de la vie vers la mort, l’au-delà, la résurrection. Les épreuves durent une semaine. Il s’agit de maîtriser ses instincts comme résister à la tentation d’une très belle jeune fille en petite tenue.
Les offrandes sont souvent des poules. A Mayence, on retrouvera des os de coqs adultes et de passereaux. Une fontaine ou un bassin d’ablutions représentant les eaux du Nil se trouve dans le temple qui est toujours souterrain.  

Des incantations magiques pour maudire (interdites par le droit romain) telles des tablettes de défixion, parfois entourées sur des os de poulet ou des poupées magiques piquée de trous d’épingles, souvent brisées, sont retrouvées dans les ruines des fosses des offrandes ainsi que de petites lampes à huile. Voici une tablette de défixion retrouvée à Mayence dans le sanctuaire d’Isis et de Mater Magna, (Heiligtum der Isis und Matter Magna de Mainz), vers le 2ème siècle:
«Tout ce que Prima AEmilia I l’aînée de Narcisse entre- I prendra, tout ce qu’elle peut bien faire, I Que tout cela I tourne court. I Ainsi que jamais ce qu’elle I puisse faire ne réussisse, I Que l’égarement barre la route, I Que le mensonge s’oppose à ses projets, I Que tout ce qui advienne I Lui soit contraire I Pour la Prima de Narcisse, I Puisse ce billet faire I Que jamais rien ne lui réussisse.»
Malédiction très moderne, pleine d'humanité...
Cette magie interdite était exécutées par un prêtre du temple d’Isis entre le 1er et le 4ème siècle.

Paris et Isis: Dans l’emblème de Paris, il y a la barque d’Isis cherchant les morceaux de son Osiris. Elle est la protectrice des parisiens. Jusqu’au début du 16ème siècle, au portail de l’Abbaye de St Germain des Prés se trouvait une statue étrange où les femmes du quartier faisaient brûler des cierges: c’était Isis, la toute puissance reine d’Egypte, d’après ce que l’on dit.

Le statut social de l’égyptienne: Juridiquement, la femme, et donc Isis est l’égale des hommes avec la fille aînée pour l’héritière. De même, contrairement au culte chrétien, la femme et l’homme dirigent le culte. A égalité.

De la virginité-fécondité: Dans nos cultures du nord de la méditerranée, virginité et fécondité s’opposent et se croisent, se nourrissant l’une de l’autre. Le culte des vierges noires chrétiennes succèdera au culte d’Isis, entre le 3ème et le 6ème siècle. Le culte de Marie viendra bien plus tard reliant l’impossible fécondité et la virginité.  

Fatima et Isis: croyances. Je tiens à dire que ce qui suit, ma mère m’en est témoin, est véridique. En Afrique du Nord, chez les berbères, il est deux croyances extraordinaires. La première nest liée à l’eau. D’après elle ma mère, se baigner toute nue dans une rivière risquait de mettre les jeunes filles enceintes. Extraordinaire, non?
Je demeure convaincu que le phallus perdu d’Osiris qui «engrosse» le Nil apparaît dans cette certitude. Car, pour Fatima, il ne s’agissait pas de croyance, lorsqu’elle était petite fille, mais de certitude.
Il faut aussi savoir que l'eau demeure toujours du domaine de la femme, en berbérie.

Le deuxième mythe que développait ma mère est celui de «l’enfant qui dort». Mythe fort utile pour expliquer pourquoi une veuve accouchait d’un enfant bien longtemps après la mort de son compagnon. Je reste convaincu que le culte d’Isis y est pour quelque chose. Magnifique, non?
J’adore cette croyance! Il s’agit bien, ici, d’une sorte de mythe de la résurrection, n’est-ce pas? (1).

ISIS dans le culte chrétien. La mère de Jésus et la mère d’Horus sont différentes. D’abord, parce qu’Isis est une maîtresse femme qui assure la descendance du mort par tous moyens pour regagner le trône d’Osiris et une guerrière qui veut assurer son héritage sur terre. Elle est l'égale de l'homme et des dieux. Elle a affaire à la mort, ressuscite son homme et se fait engrosser.  
Marie est différente. Elle est effacée, très jeune et élève normalement son fils, en bonne mère. Mais, elle aussi est engrossée mystérieusement. Comme Isis.
Toutes deux ont un rapport au divin, à l’ineffable!

Et, toutes deux sont représentées allaitant leur enfant, Horus et Jésus en mères avant tout. Ce qui les différencie, c’est dans «l’élevage» de leur enfant: l’une est accompagnée de l’homme qui l’aime, Joseph, l’autre, Isis est seule avec son fils.

Y aurait-il une sainte chrétienne qui serait le «pendant» d’Isis? Isis a commerce avec la mort, ramène à la vie son frère-époux Osiris. La résurrection est le mythe chrétien par excellence. Nous avons aussi l’eau re-vivifiante, baptismale (voir le phallus perdu, à son corps défendant, de son coquin de mari qui «ensemence» le Nil).
Et pourtant… A bien y regarder, les religions du Livre ont toutes emprunté au culte d’Isis. Un plagiat. La seule différence est dans le fait que le culte d’Isis n’a jamais été récupéré par le pouvoir. Elle n’est pas la religion des pouvoirs séculier et religieux, les deux Institutions s’appuyant l’une sur l’autre. Elle est la religion du peuple.

Et pourtant, elle disparait alors qu’elle est la seule religion humaniste et universelle véritable.


Les oppositions entre la Déesse et la Source viganaise.
Par l’eau, la Déesse et la Source d’Isis se rejoignent: elles donnent la vie au Nil (voir le machin d’Osiris mangé par les poissons) et à notre petite ville du Vigan. Son culte se fait caché, les étroitures lui sont indispensable ainsi que l’eau de purification lunaire. Mais…


Mais, Isis la déesse se façonne un phallus en argile (l’idée me plait et je l’entre-aperçois aves ses petites mains mignonnes…) pour faire un enfant et s’en occuper seule. Gloire donc à Isis.

En ce qui concerne notre source, une vilaine prêtresse de Diane de Nemausus (ah, les nemausiennes et leur «sérieux») se fait engrosser (je ne vois pas d’autre mot) par un pâtre à l’ombre de cette fontaine et lui confie le moutard puis, tranquillement, s’en va comme si de rien n’était.

C’est une fable? Et pourtant c’est vrai, puisqu’on se tue à vous le dire!
L’histoire de cette cheftaine des prêtresses, vous paraît incroyable? En peu de mots… suivez-moi pas à pas! Toutes les années les vierges servantes du Temple Diane de Nemausus vont faire la cueillette de fleurs médicinales sur le Mont Aigoual. Bizarre. Je pensais qu’il y a plus de variétés florales sur le Causse… M’enfin, puisqu’on vous conte fleurette, ce n’est qu’une affaire de séduction...

Bon, en redescendant, elles se rafraîchissent à la résurgence de la source d’Isis. Admettons. Pourquoi pas aux fontaines, ces griffouls du Vigan? Parce que le Vigan n'existait pas n’était pas approvisionné par cette source (rappelez-vous ce paragraphe. On y reviendra. Et suivez ma digression, s’il vous plaît)?
Elles reviennent de l’Aigoual. 2114 pas et à 100 milles de Nemausus. Enfin… Moi, feignant, je transitais par Valleraugue et la Vallée de l’Hérault ou par l’Espérou, Cap de Coste, le col des Mourèze (les berbères des troupes romaines étaient déjà passés par là avec leurs femmes, leurs ânes… pour simplifier, avec armes et bagages).

Donc, col des Mourèze, Pont-d’Hérault, Ganges, St Hippolyte (pas encore du Fort), Sauve, Quissac puis Nemausus. Aller-retour 200 milles. Ainsi, on évite le Vigan. Et la Source d’Isis. Donc, on nous raconte des pipes. Certains, de mauvaise foi, et il s’en trouve, me diraient: les vierges vont sur le Causse. Soit. Et passent par le Vigan, et la Source d’Isis. Attendez, attendez donc!
Je rétorquerai que le Causse de la Selle est moins loin de Némausus et possède toutes les fleurs du Causse de Montdardier et de Blandas. Et que j’aime particulièrement… les Causses.

Je dis qu’on se moque de nous et qu’on nous raconte des histoires… parce que ces dames, les prêtresses devaient être particulièrement surveillées, surtout en pays de bergers! Qui ne pensent pas à mal, mais qui y pensent quand même.
Rolando vous dirait: -J’hallucine!Grave!
Plus prosaïque, Fatima ma mère se fendrait d’un sonore:
-Ta pitaint! Qui, traduit en bon français, signifie tout bonnement: -La putain!

Non, mais dites donc… on n’abandonne pas un bébé à un berger. Vous me direz que la naissance de Jésus a été d’abord annoncée aux bergers! Je par-ferais votre éducation vous faisant savoir que cette annonciation à ces gens de peu de foi, voleurs, tricheurs, la lie de l’humanité de l’époque, était pour choquer tout un chacun. Et bien rappeler que l’Evangile est annoncé pour tous. Vous me direz que depuis, avec leurs CAP et BEP, les bergers sont devenus recommandables et gens parfaitement aptes à pouvoir convoler en justes noces. Et que l’on rassure ces dames.

Dans cet épisode, je fais amende honorable. D’abord, je reconnais qu’Isis qui, qu’on le veuille ou non, est bien viganaise, et personnification de la femme amoureuse. Soyons gentil. Une fois n’est pas coutume. Toutes les femmes sont extraordinaires. Isis, un peu plus car elle ressuscite son défunt, et que par amour se fait faire un gosse, admirable d’amour maternel débordant.

Parce qu’elle n’était pas obligée… quoique! Si! Elle était obligée. Quoiqu'il restait le 3ème frère, Haeroeis. Avec un pareil nom, je comprend qu'elle n'ait pas voulu. Mais la punition... son fils Horus était boiteux!

L'autre fable, celle de la cession de la source... Depuis sa création, bien avant l'invasion de la Gaule, le Vigan a toujours eu besoin d'une source d'eau importante (60 litres à 2000 litres à la seconde en période de crues). Donc, Isis a toujours alimenté le Vigan. Et ceci est l’information la plus importante de cet épisode.

En tant qu’historien je n’ai fait qu’aborder le parallèle entre le paganisme et la chrétienté. Mais qu’Isis, comme femme, n’est pas prise en compte par le calendrier chrétien parce qu’elle est liée à un mythe de résurrection, de commerce des morts et que, en notre religion «moderne», seuls les hommes (Dieu et Jésus étant hommes) peuvent accorder la vie éternelle. Pas les femmes. Et "distribuer la religion" aux mortels que nous sommes!

Isis a donc eu le tort d’être trop moderne avant son heure. Tant pis pour elle.

Il n’empêche, dans «Le Vigan à travers les siècles» , Pierre Görlier note un changement de nom de la source: jusqu’au XVIIème siècle, la source se nomme Fontaine d’ISA ou IZE. Ce n’est qu’en 1861 que Monsieur Lioûre écrit:

La source d’Isis est une source de faille ou de caverne dont l’origine peut être fixée au Nord du village de Bréau, dans le ruisseau de Salagosse, au point de contact du schiste talqueux avec le calcaire primitif.  

Isis a donc bien changé de nom. Pourquoi? Pour la christianiser? On ne sait.

Dans l’épisode 4 qui suivra, je l’espère, nous parlerons de la gestion raisonnée de l’eau en pays cévenol et du pourquoi, le Seigneur de COMBRET a acquis le droit de pouvoir polluer notre rivière avec ses élevages de cochons en nous restituant la source d’Isis. Qui ne lui appartenait pas mais qui a toujours fait partie de notre bonne ville.

(1) et pas besoin de fabriquer un phallus pour satisfaire sa maternité!


Le Vigan, le 23 avril en l'an de Grace 2013.

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