samedi 15 juin 2013

C'est beau Paris ! - 14


Huit heures du matin, Conrad, le jeune travailleur prenait ses fonctions d’emballeur de pompes pour rockers pompeux qui n’allaient pas tarder à pomper.
Et puis, neuf heures, le moment tant attendu du casse croûte. Ses collègues se racontaient, tout en mangeant et postillonnant, les vacances qu’ils avaient passées. L’un se plaignait d’avoir en un temps trop ensoleillé, alors qu’il prétendait que pour la pêche, il valait mieux qu’il pleuve.
-Hé, M’sio, ti dovrais aller al Maroc (Hé, Monsieur tu devrais aller au Maroc), suggérait Miloud, le vieux marocain du Service Sanitaire et Social (en clair, c’est la personne qui s’occupe des chiottes).
Un autre se plaignait, lui aussi qu’il avait plu tout le mois alors qu’il voulait revenir tout bronzé. Pour l’hiver.
-Hé, M’sio, ti dovrai aller al Maroc.

Et puis, celui qui,horriblement déçu par la chaleur nocturne, alors qu’il aimait le frais…
-Hé, M’sio, ti dovrai aller al Maroc.
Et d’autres qui avaient gâché leurs vacances…
-Hé, M’sio…
-La ferme, Miloud, tu nous gonfles avec ton Maroc, s’énervaient deux hommes qui n’aimaient pas les maghrébins.

LAUGIER, écœuré par ces deux xénophobes qui se tenaient à ses côtés, se mêla à la discussion et s’exprima d’un ton sec:
-Il faut qu’on parle tous les trois entre quatre yeux, blâmant ces deux borgnes hostiles aux étrangers. Faudrait changer de comportement envers Miloud.

Les deux monoculaires le rassurèrent sur les paroles désagréables qu’ils avaient proférées à l’encontre du marocain, lui disant que c’était pour rire.
Il se calma et collationna avec eux, puis, la journée se déroula dans la bonne humeur.
Et, ainsi les mois passèrent pareils aux précédents.

Printemps mil neuf cent cinquante huit, dans l’hôtel, à l’heure du dîner qu’il prenait toujours au même endroit, il retrouva ses voisins de table qu’il avait fini par connaître. S’y trouvait la femme en noir vêtue de prêt à porter prêt à enlever qu’il avait remboursée depuis qu’il allait la voir dans sa chambre pour remonter son moral et baisser son pantalon. Monsieur et Madame TRUMIN, aussi, de jeunes retraités facétieux… puis Juliette et Fernand, un routier sympa et qui l'était un peu trop (il aimait les hommes).
Conrad, lui, préférait sa femme. Et puis, il y avait encore bien d’autre personnes, toutes différentes.

Tous ces abonnés à la location se parlaient de tout et de rien, et de rien du tout. Conrad, feignant l’indifférence continuait d’explorer le menu varié de nourritures avariées. Il était fatigué d’entendre ce brouhaha  de broutilles, regardant le brouet de potage posé devant lui par des mains qui n’étaient pas les siennes, mais celles de Monsieur TRUMIN qui voulait lui parler.
- Mon cher Conrad, bredouilla le jeune vieillard accompagné de sa femme, j’ai une proposition à vous faire. Si vous voulez passer dans la salle à côté qui est plus calme,  je vous suis.

Le jeune hétéro se méfiait de ce sexagénaire sexiste, mais accepta et se dirigea vers la pièce tranquille où il posa son séant pour protéger ses arrières.
- Voilà, balbutia l’homo sapiens toujours accompagné de sa femme, telle un boule de flipper cherchant la sortie… j’ai cru m’apercevoir que votre boulot ne vous plaisait plus, alors, je viens vous proposer de travailler pour moi à vendre des encyclopédies à domicile. Réfléchissez et vous me donnerez votre réponse demain.

Conrad sceptique quand à son honnêteté alla se renseigner auprès de Gaston.
- À  ta place, je me méfierai bégaya le Gastounet à sa mémère. Je ne fais plus confiance aux Turmin depuis qu’ils ont vendu le parc des Buttes Chaumont à des touristes belges… Alors, tu fais comme tu veux, mais attention !

Conrad suivit les conseils de son vieil ami et continua son métier d’emballeur de chaussures durant plusieurs années.
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dans le montage photo-dessin: Paris, c'est le pied.

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